Sommaire
Résumé
Le CBD n’est pas neutre. En cas de grossesse/allaitement, de foie fragile, de conduite prévue, de traitements à marge étroite ou de produits non tracés, mieux vaut s’abstenir ou solliciter un avis médical. Privilégiez des produits analysés, des doses modestes et un échange avec votre soignant.
Le CBD a souvent l’image d’un produit “doux”, mais il n’est pas totalement dénué de risques. Tout dépend du profil du consommateur (grossesse, maladie, etc). Dans cet article, nous identifions les situations où il est préférable de s’abstenir, et celles où un avis médical s’impose.
Dans quels cas ne pas commencer le CBD ?
Si votre foie a déjà une histoire — hépatite, stéatose, NASH — ou si vos transaminases sont élevées, la bonne option est de reporter l’essai de CBD et d’en parler à votre médecin. Le cannabidiol peut hausser les ALAT/ASAT, un phénomène observé surtout lorsqu’il est associé à certains antiépileptiques comme le valproate ou le clobazam.
Évitez d’associer CBD et alcool : cette combinaison sollicite davantage le foie et accentue la somnolence. En cas de fatigue inhabituelle, de douleur sous les côtes à droite, d’urines foncées ou de jaunisse (peau/yeux jaunes), arrêtez la prise et consultez. [4][5]
Le CBD peut provoquer somnolence, étourdissements et ralentissement des réflexes. Tant que vous ne connaissez pas votre réaction, évitez de conduire ou d’utiliser des machines.
Chez les adolescents, il y a peu de données accessibles, en dehors d’un suivi médical ; sans indication claire et sans accompagnement spécialisé, il est préférable de s’abstenir. Si un usage est tout de même envisagé (pathologie, traitements en cours), la décision se discute au cas par cas avec un professionnel de santé. [3]
Quelles sont les interactions possibles ?
Le CBD peut modifier la vitesse d’élimination de certains médicaments. S’il ralentit cette élimination, le médicament s’accumule (risque de surdosage) ; s’il l’accélère, il peut devenir moins efficace. L’ANSM rappelle qu’associer CBD et traitements n’est pas anodin. [1]
Warfarine (anticoagulant)
Avec le CBD, l’INR peut augmenter : le sang est alors trop “fluide” et le risque de saignement grimpe. Ne commencez pas le CBD sans accord médical. Si l’association est retenue, des contrôles d’INR rapprochés et un ajustement de la warfarine peuvent être nécessaires. [8]
Tacrolimus (anti-rejet après greffe)
Le CBD peut faire monter fortement le tacrolimus (jusqu’à ~×3 rapporté) : surdosage et toxicité possibles (rénale, neurologique). Jamais d’automédication : on en parle d’abord à l’équipe de transplantation et l’on organise des dosages sanguins réguliers si l’usage est validé. [9]
Valproate / Clobazam (anti-épileptiques)
L’association au CBD peut majorer la somnolence et augmenter les enzymes du foie. Si le CBD a une indication, on avance sous supervision médicale, en commençant bas, avec des bilans hépatiques au départ puis pendant l’ajustement. Surveillez : somnolence inhabituelle, ralentissement/confusion, troubles de l’équilibre, nausées, jaunisse. [4][5]
Si votre traitement est “dosé au millimètre” (anticoagulants, anti-rejet, certains anti-épileptiques…), ne démarrez pas le CBD seul. Parlez-en à votre médecin ou à votre pharmacien, apportez le certificat d’analyse du produit et la dose envisagée pour décider si et comment l’utiliser, avec une surveillance adaptée. [1][5]
Mini-glossaire — INR : examen sanguin qui mesure l’effet des anticoagulants. INR trop haut = risque de saignement.
Produits non tracés : mieux vaut s’abstenir
Au-delà des interactions, la qualité du produit fait la différence. En juin 2025, les autorités françaises ont signalé une hausse des intoxications liées à des articles vendus comme “CBD” mais adultérés (autres substances non déclarées) ou mal étiquetés. Sans certificat d’analyse (COA) récent, indépendant et traçable, mieux vaut s’abstenir. [6]
Pourquoi c’est un problème ? Certains produits “CBD” affichent des teneurs réelles en THC supérieures à l’étiquette, ou contiennent des cannabinoïdes de synthèse/hémisynthèse non mentionnés, avec des effets imprévisibles (surdosage, sédation, malaise, agitation). Les signalements 2025 touchent toutes les formes : fleurs/herbes, e-liquides, huiles, denrées (gélules, bonbons, chocolats), achetées en boutique, en automate ou en ligne. [6]
Qui doit demander un avis médical avant de prendre du CBD ?
Profil | Pourquoi c’est à risque | Ce qu’il faut faire |
Greffés / sous anti-rejet (tacrolimus, ciclosporine) | Le CBD peut multiplier le taux de tacrolimus (≈ ×3 rapporté) → surdosage/toxicité (rénale, neuro). | Pas d’automédication. Avis de l’équipe de transplantation ; si accord : dosages sanguins rapprochés et ajustements. |
Polymédication (personnes âgées, maladies chroniques) | Risque cumulatif d’interactions (modif. d’efficacité/toxicité). | Vérifier avec médecin/pharmacien avant d’ajouter du CBD. |
Foie fragile ou enzymes élevées (hépatite, stéatose, ALAT/ASAT hautes) | Le CBD peut augmenter les transaminases, surtout avec valproate/clobazam. | Avis médical préalable ; si usage : bilan hépatique de départ + suivi. |
Épilepsie (anti-épileptiques en cours) | Somnolence majorée et anomalies hépatiques possibles avec certaines associations. | Usage strictement médical : débuter bas, surveillance clinique/biologique, ajustements. |
Anticoagulants oraux (ex. warfarine) | INR ↑ possible → sang trop “fluide”, risque d’hémorragie. | Ne pas démarrer seul ; si accord : contrôles d’INR rapprochés et adaptation de dose. |
Quand faut-il arrêter ?
Après une prise de CBD, arrêtez et demandez un avis médical si vous ressentez :
- une fatigue inhabituelle ;
- des nausées/vomissements qui persistent ;
- une douleur sous les côtes à droite ;
- des urines très foncées ou des selles très pâles ;
- une jaunisse (peau/yeux jaunes) ;
- une somnolence importante, des étourdissements ou de la confusion ;
- une éruption cutanée ou tout malaise inhabituel. [5]
Que faire tout de suite ?
- Urgence (détresse, confusion, jaunisse, gêne respiratoire, ou signes d’hémorragie si vous prenez un anticoagulant) : appelez le 15 (ou 112) ou allez aux urgences.
- Sinon : stoppez le CBD, contactez votre médecin ou votre pharmacien, notez la liste de vos traitements/suppléments, gardez l’emballage et, si possible, le COA du produit.
Le professionnel pourra demander un bilan du foie (ALAT/ASAT, bilirubine ± INR) et vérifier d’éventuelles interactions.
Une reprise est-elle possible ?
Uniquement après feu vert médical, en repartant bas, sans alcool ni sédatifs, avec une surveillance adaptée. [5]
Peut-on associer CBD et alcool ?
Mieux vaut éviter. Ensemble, ils majorent la somnolence et altèrent la vigilance. Règle simple : si vous avez bu, pas de CBD (et inversement). [5]
Références
[1] ANSM — Mélanger CBD et médicaments, ce n’est jamais anodin (actualité, 11 mars 2025). https://ansm.sante.fr/actualites/melanger-cbd-et-medicaments-ce-nest-jamais-anodin
[2] ANSES — L’Anses propose de classer le cannabidiol (CBD) comme présumé toxique pour la reproduction (note, 21 mars 2025 ; consultation publique ECHA jusqu’au 16 mai 2025). https://www.anses.fr/fr/content/lanses-propose-de-classer-le-cannabidiol-cbd-comme-presume-toxique-pour-la-reproduction
[3] EFSA Journal — Turck D. et al., Statement on safety of cannabidiol as a novel food: data gaps and uncertainties (7 juin 2022). https://www.efsa.europa.eu/sites/default/files/2022-06/efs2_7322.pdf
[4] EMA (EPAR/SmPC EPIDYOLEX) — Product information (cannabidiol) : hépatotoxicité, somnolence/sédation, interactions avec valproate et clobazam (version à jour du document). https://www.ema.europa.eu/en/documents/product-information/epidyolex-epar-product-information_en.pdf
[5] FDA (EPIDIOLEX label) — Cannabidiol oral solution : somnolence/sédation, ne pas conduire tant que l’effet sur la vigilance n’est pas connu ; potentialisation avec alcool (étiquettes récentes). https://www.accessdata.fda.gov/drugsatfda_docs/label/2021/210365Orig1s011lbl.pdf
[6] ANSM — Augmentation des intoxications causées par des produits à base de CBD contenant d’autres substances (19 juin 2025). https://www.anses.fr/en/content/increase-cases-poisoning-caused-cbd-products-containing-other-substances
[7] Food Standards Agency (UK) — Update 1er juillet 2025 : ADI provisoire 10 mg/j pour l’adulte sain ; nouveau seuil supérieur pour le THC 0,07 mg/j (≈ 1 µg/kg/j). https://www.food.gov.uk/news-alerts/news/food-standards-agency-updates-guidance-allowing-cbd-businesses-to-reformulate-products-on-the-public-list-for-safety-reasons
[8] Grayson L. et al. — An interaction between warfarin and cannabidiol, a case report (2017) : INR ↑ lors de la titration du CBD ; ajustements de warfarine nécessaires. https://pmc.ncbi.nlm.nih.gov/articles/PMC5789126/
[9] Leino A.D. et al. — Clinically significant drug–drug interaction between cannabidiol and tacrolimus (2019) : ≈ ×3 d’augmentation des concentrations dose-normalisées de tacrolimus avec CBD. https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/ajt.15398