Épilepsie : le cas de l’Epidiolex, seul médicament à base de cannabidiol autorisé

Épilepsie : le cas de l’Epidiolex

Epidiolex marque une avancée majeure en tant que premier médicament dérivé du cannabis, officiellement approuvé pour traiter certaines formes rares et graves d’épilepsie.

Ce traitement buvable à base de cannabidiol, un composé non psychoactif de la plante, ne provoque pas d’effets « planants » typiques du cannabis.

Depuis son autorisation en 2018, Epidiolex est utilisé comme thérapie d’appoint pour lutter contre les crises épileptiques réfractaires aux traitements traditionnels. Il est particulièrement efficace dans la prise en charge du syndrome de Dravet, du syndrome de Lennox-Gastaut (LGS), et plus récemment de la sclérose tubéreuse de Bourneville. Ces trois syndromes sont connus pour leurs crises fréquentes et difficiles à maîtriser, ayant un impact profond sur le développement et la qualité de vie des patients, ainsi que de leurs proches.

 

Comment Epidiolex agit-il ?

Le mécanisme précis par lequel le CBD réduit les crises d’épilepsie n’est pas encore complètement élucidé. Ce composé ne se lie pas directement aux récepteurs cannabinoïdes classiques, mais agit plutôt en modulant certains récepteurs cérébraux, comme les récepteurs TRPV, adénosine, et GPR55. Cela pourrait permettre de réduire l’excitabilité neuronale, ce qui est essentiel dans le contrôle des crises.

Des recherches sur des modèles précliniques ont montré l’effet anticonvulsivant du CBD, ce qui a mené à des essais cliniques chez l’humain.

Epidiolex est généralement utilisé en complément d’autres médicaments antiépileptiques. Le dosage est ajusté en fonction du poids du patient, commençant à faible dose et augmentant progressivement jusqu’à environ 10 à 20 mg/kg/jour. L’objectif est de réduire la fréquence des crises chez des patients dont les traitements traditionnels ont échoué.

Les résultats cliniques d’Epidiolex dans les syndromes de Dravet, de Lennox-Gastaut, et la sclérose tubéreuse ont montré des effets positifs.

 

Efficacité clinique dans le syndrome de Dravet

Le syndrome de Dravet est une forme rare d’épilepsie infantile qui débute avant 1 an, souvent causée par une mutation du gène SCN1A. Il se manifeste par des crises prolongées dès la naissance. Cette maladie est souvent résistante aux traitements traditionnels (comme le valproate ou le clobazam). C’est dans ce contexte que l’efficacité du CBD, notamment via l’Epidiolex, a été testée dans plusieurs études cliniques.

En 2017, une étude a impliqué 120 enfants et jeunes adultes souffrant de ce syndrome. Les participants ont reçu soit de l’Epidiolex (20 mg/kg/j), soit un placebo, en plus de leur traitement habituel, pendant 14 semaines. Voici les résultats principaux de cette étude :

  • Réduction des crises convulsives : les patients sous CBD ont vu la fréquence de leurs crises diminuer de 39% (passant de 12,4 à 5,9 crises par mois), tandis que sous placebo, cette fréquence a presque stagné (réduction de seulement 5%). La différence était statistiquement significative (p=0,01).
  • Pourcentage de répondeurs : 43% des patients sous Epidiolex ont observé une réduction d’au moins 50% de leurs crises, contre 27% dans le groupe placebo. Bien que cette différence ne soit pas totalement significative (p=0,08), elle montre une tendance positive pour le CBD.
  • Amélioration générale de l’état : 62% des patients sous CBD ont vu une amélioration de leur état clinique selon leurs parents, contre 34% sous placebo (différence significative, p=0,02). Cela reflète des bénéfices au-delà de la simple réduction des crises, incluant des améliorations dans des domaines comme le sommeil, la vigilance, et le développement.
  • Réduction des crises totales : en incluant tous les types de crises, le CBD a réduit leur fréquence de manière significative (p=0,03), bien que les crises non convulsives, comme les absences, n’aient pas montré de réduction statistiquement significative. Un petit nombre de patients (5% sous CBD) est devenu sans crises, bien que ce résultat ne soit pas statistiquement significatif.

Tolérance

La plupart de ces effets secondaires étaient légers à modérés, mais certains patients ont dû interrompre le traitement, davantage dans le groupe CBD que sous placebo. Une interaction avec le clobazam a également été observée.

Dans l’étude, un enfant de 10 ans souffrant du syndrome de Dravet et avec environ 15 convulsions généralisées par mois est passé à environ 6 crises par mois sous Epidiolex.

Bien que cet enfant n’ait pas été complètement guéri (des crises survenaient encore chaque semaine), la réduction de la fréquence et de la durée des crises a permis de diminuer les hospitalisations d’urgence.

 

Efficacité clinique dans le syndrome de Lennox-Gastaut

Le syndrome de Lennox-Gastaut (LGS) est une forme grave d’épilepsie pédiatrique, généralement diagnostiquée entre 3 et 5 ans. Il se caractérise par des crises difficiles à contrôler. Bien que plusieurs anticonvulsivants soient utilisés en combinaison, les traitements classiques n’arrivent souvent pas à stopper les crises. C’est dans ce contexte qu’Epidiolex a été testé pour améliorer le contrôle des crises dans le LGS réfractaire.

Deux grands essais cliniques ont évalué l’efficacité du CBD dans le traitement du LGS. L’un de ces essais, publié en 2018 dans le NEJM, a inclus 225 patients atteints de LGS, déjà sous 1 à 3 médicaments antiépileptiques. Ils ont été répartis pour recevoir soit un placebo, soit de l’Epidiolex à 10 mg/kg/j ou 20 mg/kg/j, en complément de leur traitement habituel, pendant 14 semaines. L’objectif était de réduire les crises de type “drop” (avec chutes). Voici les principaux résultats :

  • Réduction des crises de type drop : les patients sous CBD ont vu la fréquence de leurs crises atoniques diminuer de 37,2% à 41,9% selon la dose, contre seulement 17,2% sous placebo. Cette différence était statistiquement significative (p=0,002 pour 10 mg/kg et p=0,005 pour 20 mg/kg).
  • Répondeurs : environ 40% des patients sous CBD ont eu une réduction de plus de 50% des crises “drop”, contre 15 à 20% dans le groupe placebo. Une méta-analyse a montré que le CBD double environ le taux de “répondeurs” par rapport au placebo.
  • Réduction globale des crises : en incluant tous types de crises, les résultats ont montré une réduction du nombre total de crises, bien que l’efficacité se soit surtout manifestée sur les crises “drop”.
  • Améliorations fonctionnelles : environ 80% des patients sous clobazam ont été jugés améliorés par leurs soignants, contre 45% sous placebo. De même, les parents des patients sous CBD ont souvent noté des améliorations dans la vigilance diurne et moins de blessures dues aux chutes.

Tolérance

Les effets secondaires les plus fréquents sont la somnolence, la perte d’appétit et la diarrhée, surtout à la dose de 20 mg/kg.

D’autres effets incluent la fatigue, des troubles du sommeil et des infections légères. Dans l’étude, 6 patients sous CBD 20 mg/kg et 1 sous 10 mg/kg ont dû arrêter le traitement à cause de ces effets.

Certains patients ont aussi montré une élévation des enzymes hépatiques, notamment ceux prenant du valproate, ce qui nécessite une surveillance. Aucun effet grave, comme des problèmes respiratoires ou cognitifs, n’a été observé.

Quel apport pour les patients LGS ?

Pour les patients atteints de LGS, une réduction de 40% des crises “drop” grâce à Epidiolex peut se traduire par moins de chutes violentes. Par exemple, un enfant avec environ 80 crises atoniques par mois pourrait en avoir seulement 50 sous CBD, ce qui réduit les risques de blessures graves et lui permet de participer davantage aux activités quotidiennes.

Même si les enfants atteints de LGS restent polyhandicapés et continuent à avoir des crises, chaque crise en moins améliore leur qualité de vie en réduisant le stress lié aux chutes imprévisibles. Les soignants remarquent souvent une meilleure attention et un contact social amélioré, bien que cela soit difficile à quantifier. Il est nécessaire de rester vigilant aux effets sédatifs du CBD, qui peuvent rendre l’enfant plus somnolent en journée, surtout s’il prend d’autres traitements.

 

Efficacité clinique dans la sclérose tubéreuse de Bourneville

La sclérose tubéreuse de Bourneville est une maladie génétique rare qui provoque la formation de tumeurs bénignes dans plusieurs organes, dont le cerveau. Plus de 80 % des personnes atteintes de STB développent de l’épilepsie, souvent dès la petite enfance.

Ces crises sont variées et difficiles à contrôler avec les médicaments classiques. Traditionnellement, le vigabatrine et d’autres antiépileptiques sont utilisés, mais ces traitements ne parviennent pas toujours à réduire les crises. L’Epidiolex a été testé spécifiquement pour traiter les crises liées à la STB et a obtenu une autorisation en 2020.

Une étude de phase III, menée en 2020, a évalué l’efficacité du CBD chez 224 patients (de 1 à 57 ans) atteints de STB avec des crises résistantes aux traitements. Les patients recevaient au moins un antiépileptique, mais continuaient à avoir au moins 8 crises par mois. Ils ont été répartis pour recevoir pendant 16 semaines soit un placebo, soit du cannabidiol (CBD) à 25 mg/kg/j ou 50 mg/kg/j, en complément de leur traitement habituel. Les résultats principaux de cette étude sont :

  • Réduction des crises : les groupes traités au CBD ont connu une réduction significative de la fréquence des crises. La diminution médiane était de 48,6 % pour le groupe à 25 mg/kg et 47,5 % pour le groupe à 50 mg/kg, contre seulement 26,5 % sous placebo. Le CBD a donc doublé la réduction des crises par rapport au placebo, ce qui montre son efficacité dans cette forme d’épilepsie.
  • Réponse au traitement : 36 % des patients sous CBD 25 mg et 40 % sous CBD 50 mg ont observé une réduction d’au moins 50 % de leurs crises, contre 22 % sous placebo. Certains patients ont même eu des réductions encore plus importantes, bien que la disparition complète des crises reste rare.
  • Amélioration générale : 69 % des patients sous CBD 25 mg/kg et 62 % sous 50 mg/kg ont été jugés en meilleure condition globale par leurs soignants, contre seulement 40 % sous placebo. Cela montre une amélioration de la qualité de vie des patients, en plus de la réduction des crises, avec des progrès dans l’éveil, l’attention et le comportement, souvent rapportés par les familles.

Suivi à long terme

Les bénéfices du CBD se sont maintenus plus d’un an sans perte d’efficacité. Aucun nouvel effet secondaire grave n’a été observé après 2 à 3 ans, rassurant sur sa tolérance à long terme.

Bénéfices cliniques et qualité de vie

L’Epidiolex réduit la fréquence des crises dans les syndromes de Dravet, Lennox-Gastaut et la sclérose tubéreuse, avec une réduction moyenne de 30 à 50 %.

Environ 37–43 % des patients ont une réduction de 50 % des crises, contre 15–27 % sous placebo. Cela améliore la qualité de vie, réduit les risques de blessures et améliore des aspects comme le sommeil et l’attention.

Effets secondaires et précautions

Une élévation des enzymes hépatiques est possible, ce qui demande une surveillance, surtout avec le valproate. Les effets sont généralement modérés et réversibles.

Sécurité et interactions

Le CBD n’affecte pas les fonctions cognitives, et peut même améliorer la cognition en réduisant les crises. Des ajustements peuvent être nécessaires en cas d’interactions médicamenteuses. Le CBD est contre-indiqué pendant la grossesse, sauf exception.

Comparaison avec d’autres traitements antiépileptiques

Traitement Efficacité générale Répondeurs
(Réduction de 50% des crises)
Utilisation principale Avantages Inconvénients
Epidiolex Réduction de 30-50% des crises 40-43% Complément aux traitements existants Aucune dépendance, sédation modérée Moins rapide que certains, besoin de polythérapie
Valproate de sodium Réduction de 50% des crises chez environ 55% des patients 55% Traitement de première ligne Efficace rapidement, large spectre de crises Ne contrôle pas toujours toutes les crises, risque d’effets secondaires
Clobazam Réduction de 68% des crises (dose élevée) 77,6% Antiépileptique d’appoint Réduit rapidement les crises, haute efficacité Tolérance et dépendance possibles, sédation

L’Epidiolex semble réduire les crises sans provoquer d’effets secondaires graves comme la dépendance (clobazam) ou des anomalies cognitives. Contrairement au valproate, qui est tératogène, le CBD ne présente pas de risque de malformations.

Bien que ses effets secondaires (diarrhée) soient modérés, il peut être utilisé lorsque d’autres traitements ne sont pas bien tolérés.
En revanche, les médicaments classiques comme le valproate, le clobazam et la lamotrigine présentent également des avantages : le valproate est peu coûteux et efficace, le clobazam agit rapidement pour arrêter les crises, et la lamotrigine est bien tolérée au niveau neuropsychologique.

Ces traitements ne s’excluent pas mutuellement, mais se complètent bien. Par exemple, un patient atteint du syndrome de Dravet peut recevoir valproate, clobazam et stiripentol, puis ajouter Epidiolex pour améliorer encore le contrôle des crises. Chaque médicament a son rôle pour cibler différents types de crises ou renforcer l’effet des autres.

Sources :

  • Revue de la littérature scientifique et médicale, dont principaux essais cliniques randomisés (O. Devinsky et al., N Engl J Med, 2017 : https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/28538134/, https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/29768152/, https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33346789/, https://www.neurologylive.com/view/cbd-displays-multipledose-efficacy-in-tuberous-sclerosis-complex
  • Méta-analyses et revues systématiques : https://www.scielo.br/j/ramb/a/vh3QpdBkQfXVrdw7nT63bdd/
  • Données des agences de santé : https://www.fda.gov/news-events/press-announcements/fda-approves-first-drug-comprised-active-ingredient-derived-marijuana-treat-rare-severe-forms