Acouphènes : le cannabidiol peut‑il baisser le volume  ?

cbd et acouphene

En résumé

  • Le CBD n’efface pas le sifflement ; il agit surtout sur le stress, le sommeil ou la douleur qui l’accompagnent.
  • Attention : THC même en petite quantité, ou doses trop fortes de CBD, peuvent au contraire amplifier l’acouphène.
  • Choisissez un extrait certifié 0 % THC, commencez très bas (≈ 5 mg/j) et augmentez lentement.
  • Tenez un journal : si le bruit s’intensifie pendant plus d’une semaine, stoppez et consultez un professionnel de santé.

 

Les acouphènes – ce bourdonnement ou sifflement permanent perçu sans source externe – concernent environ 15 % des Français. Pour beaucoup, ils sapent le sommeil, entretiennent l’anxiété et réduisent la qualité de vie. Face au manque de traitements curatifs, le cannabidiol se présente comme une alternative « naturelle ». Mais l’est‑elle vraiment ? Les données sont encore limitées, parfois contradictoires ; il était temps de faire le point.

 

Qu’est‑ce qu’un acouphène ?

C’est un bruit fantôme (sifflement, bourdonnement…) perçu sans source externe, produit par une suractivité des circuits auditifs du cerveau ; il s’intensifie souvent avec les sons forts, la fatigue, le stress ou certains médicaments, et l’on cherche aujourd’hui surtout à l’apprivoiser grâce à la rééducation sonore, aux thérapies cognitives, aux aides auditives et à une bonne gestion du stress.

 

Le système endocannabinoïde dans l’oreille interne

Des capteurs CB1 et CB2, qui font partie du système endocannabinoïde, se trouvent dans la cochlée et dans les voies auditives du cerveau [2],  en théorie, les stimuler légèrement pourrait calmer l’excitation nerveuse responsable des acouphènes, à condition de ne pas la provoquer à l’inverse.

En 2022, une étude canadienne a questionné 338 personnes souffrant d’acouphènes : un peu plus d’un cinquième consommaient du cannabis riche en CBD [1], et quatre sur cinq parmi eux disaient mieux dormir, être moins anxieux et avoir moins mal. Ils utilisaient surtout des comestibles ou des gélules, jugés plus sûrs que la fumée. Comme l’enquête reposait sur des déclarations et que les produits variaient d’un patient à l’autre, les résultats restent à confirmer ; tout porte cependant à croire que le CBD aide surtout à apaiser le stress, l’insomnie et la douleur qui renforcent la perception du sifflement, plutôt qu’à agir directement sur l’acouphène lui‑même.

 

Le revers de la médaille : données animales inquiétantes

  • Chez le rat, donner chaque jour un mélange 50 % THC / 50 % CBD après un traumatisme sonore déclenche davantage de signes d’acouphènes. [3]
  • Une revue de 2020 confirme : stimuler fortement les récepteurs CB1 n’atténue pas les acouphènes, cela peut même les aggraver. [4]
  • Medical News Today rappelait en 2024 qu’aucun essai clinique solide n’a prouvé que le CBD réduit le volume des acouphènes [5] ; il pourrait seulement aider à mieux vivre la maladie (meilleur sommeil, moins d’anxiété).

 

Faut‑il tenter le CBD quand on a des acouphènes ?

Il peut atténuer l’anxiété, la fatigue et les douleurs qui aggravent la perception d’un sifflement, mais certaines conditions font basculer l’expérience du « mauvais côté ». Voici comment limiter les risques :

  1. Choisissez un produit sans THC. Les études chez l’animal pointent le THC comme facteur d’aggravation. Optez donc pour un isolat (0 % THC) ou, au maximum, un extrait « broad spectrum » à moins de 0,3 % THC vérifiable sur un certificat d’analyse.
  2. Préférez l’huile ou les gélules. Fumer ou vaper provoque des pics sanguins rapides et imprévisibles ; l’ingestion permet un dosage plus stable.
  3. Commencez très bas. Lancez‑vous avec 5 mg par jour, puis augmentez par paliers de 5 mg tous les quatre jours si tout se passe bien. Aucune « dose anti‑acouphène » n’a à ce jour été validée.
  4. Tenez un journal. Notez chaque jour l’intensité du bruit (de 1 à 10), la qualité du sommeil et votre niveau d’anxiété. Si le sifflement s’intensifie pendant plus d’une semaine, stoppez la cure et parlez‑en à votre médecin.

 

Pour qui ce protocole a du sens ?

Il s’adresse surtout aux personnes dont les acouphènes sont anciens, mal vécus et accompagnés de stress ou d’insomnies, et qui ne supportent pas ou ne souhaitent pas utiliser benzodiazépines ou somnifères. Il est contre‑indiqué en cas de grossesse, d’antécédent psychotique ou de traitement à marge thérapeutique étroite (ex. warfarine, clobazam).

 

Où en est la recherche ?

Nous manquons encore d’essais cliniques contrôlés comparant CBD pur et placebo, de données « dose‑réponse » et d’informations sur les nouvelles galéniques (nano‑émulsions, etc.). En clair : le sujet est prometteur, mais loin d’être tranché.

Ces informations sont fournies à titre éducatif. Elles ne remplacent jamais l’avis d’un professionnel de santé qualifié.

 

Références

  1. Cannabis use amongst tinnitus patients: consumption patterns and attitudes, Journal of Otolaryngology – Head & Neck Surgery (2022)
  2. Zheng & Smith. Cannabinoid CB1 receptor agonists do not decrease but may increase tinnitus in rats, Frontiers in Neurology (2015)
  3. Fakhfakh E. et al. Cannabinoids, Inner Ear, Hearing, and Tinnitus: A Neuro‑Immunological Perspective, Frontiers in Neurology (2020)
  4. Felman A. CBD for tinnitus: can it help ?, Medical News Today (22 février 2024)